Deux réunions importantes sur le dialogue social dans l’industrie automobile ont eu lieu en octobre : l’une à Gdansk les 1er et 2 octobre, l’autre à Turin les 24 et 25 septembre.
Les chiffres du marché mondial, du marché européen, de la situation économique et sociale de la chaîne de valeur « automobile » ont été présentés. L’idée de faire un lobbying concerté entre les organisations syndicales et les constructeurs, adressé à la Commission et au parlement européens, a été actée.
Très rapidement, Renault a exprimé le souhait de faire un communiqué conjoint avec IndustriAll-EU. Un « position paper » a été conçu par Renault, à laquelle la CFTC a proposé des modifications via IndustriAll. Il s’agit de coordonner les décisions politiques, énergétiques, écologiques, normatives, avec les acteurs de tout l’écosystème industriel, qui inclut les organismes de recherche, universités et formations professionnelles. Politique de la demande articulée à une politique de l’offre, utilisant les normes européennes pour donner un avantage compétitif à notre industrie, et non avec effet de lui tirer une balle dans le pied.
A Turin, un mini salon de l’auto avait pris place dans le centre de la ville de FIAT. Les modèles présentés étaient à 95 % chinois. Certains étaient des clones assumés de voitures telles que la 5008, Tesla…à croire que ce sont les mêmes usines qui produisent pour nos Groupes et pour les marques chinoises ! C’est dire l’extrême péril dans lequel se trouve notre industrie. En réaction à ce danger, un mouvement naît, au sein des industriels européens, pour créer une voiture vraiment européenne jusque dans ses équipements et composants. Le patriotisme des citoyens sera-t-il là pour honorer cette proposition ? A suivre de près.
Dans le secteur des matériaux critiques et des métaux (hors acier), et par extension, dans le secteur minier qui, lui, ne concerne pas directement notre Fédération, il y a aussi du nouveau. Le sujet est d’avancer vers plus d’autonomie stratégique. La Chine, détentrice de 80 à 90% du marché des terres rares et produits raffinés, a fortement réduit ses exportations de métaux et terres rares : relancer le secteur minier pour assumer l’électrification de notre industrie et de notre consommation devient urgent. L’Union Européenne soutient 6 projets phare en France (extraction, recyclage, raffinage). Pour cela, selon la Commission Européenne, il faut lever certaines contraintes administratives et environnementales. C’était le sujet d’une réunion qui s’est tenue à Bruxelles le 2 octobre, présentant les éléments de la directive « omnibus » faisant machine arrière sur les sujets écologiques et sociaux.
La CFTC a revendiqué que les normes européennes restent extra-territoriales, c’est-à-dire applicable à l’étranger, mais le Commissaire européen présent à la réunion a laissé entendre que, pour garantir certains approvisionnements, il fallait être souple sur la RSE de nos fournisseurs.
Une réunion de crise s’est tenue la semaine suivante : le danger d’une rupture d’approvisionnement est réel. Quelles en seraient les conséquences pour nous en France ? La mise en difficulté de la chaîne de valeur utilisant des aimants ou des moteurs électriques : tous les équipements industriels, en somme, ainsi que les équipements automobiles, aéronautiques, et de Défense. Cela signifie qu’il y a un risque de chômage partiel dans les usines utilisant ces matières premières, ou utilisant des équipements non chinois contenant ces matières premières. Les délégués CFTC aux CSE sont invités à aborder ce sujet en commission économique, pour identifier le risque local sur la production et organiser le travail en conséquence.
L'acier européen menacé
L’acier est, lui aussi, dans une situation difficile. Les entreprises achètent de l’acier chinois qui inonde le marché à prix cassé, mettant en difficulté l’acier produit en Europe. Un conglomérat indien a proposé de racheter le numéro 1 allemand de l’acier. Devant cette menace venue d’Asie, l’Union européenne a réagi en réduisant les quotas d’importation d’acier en provenance des pays hors UE, sauvant par cette mesure protectionniste des dizaines de milliers d’emplois.
Nous avons une filière d’économie circulaire des métaux pour lutter contre la dépendance stratégique : cette filière est la même pour l’acier que pour les métaux plus rares et les alliages. L’objectif est d’auto-produire 20% de notre consommation de métaux rares et critiques via cette filière. Mais d’une part, l’économie circulaire est peu compétitive par nature, d’autre part l’administration Trump a taxé fortement (40%) les métaux raffinés importés par les USA, et beaucoup moins les déchets métalliques (15%), ce qui fait que les collecteurs de métaux de recyclage exportent leur ferraille brute aux USA, qui traitent et nous revendent ce qui aurait dû être de de l’auto-production (ces matières ré-importées entrent tout de même dans les quotas légaux de la part de recyclage entrant dans les matières industrielles !). Les élus au CSE peuvent aussi mettre ce sujet sur la table, entre sécurisation des approvisionnements, part du recyclé etc.
Les entrepreneurs ne semblent pas très patriotes, le regard fixé sur les coûts directs. A nous, CFTC dans les instances CSE, de les questionner sur les externalités très négatives de leurs choix de court terme.
Hervé Bry, Secrétaire fédéral
NB : à lire également pour compléter cet article - concernant l'automobile - le rapport d'information du Sénat publié le 15 octobre 2025, pour lequel Carol Cognard et Albert Fiyoh Ngnato ont été entendus par la mission d’information relative à l’avenir de la filière automobile française, grâce aux éléments transmis par Hervé Bry et Frédéric Lemayitch : "Contre un crash programmé : dix-huit mesures d'urgence pour l'industrie automobile française".